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Par Fuguerrante le 24 Juin 2013 à 11:14
La buse et le chapon
Le faible bien souvent vit son meilleur augure
A se fondre au giron de la foule qui rassure.
L’asile qu’il y convoite est pourtant bien fragile
S’il advient qu’un instant, le hasard s’y faufile !
Un troupeau de chapons, déjà dodus à souhait
D’une douce prairie, l’herbe tendre, grattait.
Une buse affamée, par un festin tenté
Au dessus des poulets se mit à tournoyer !
La panique rompit les rangs des emplumés,
Transforma l'air du pré en houle déchainée
Fuyant, en caquetant, le bec tant acéré
Qui sous un gros buisson, qui au creux d'un fossé !
Ne resta plus qu’un malheureux ventru
Empêtré de sa peur dans son gras superflu
S’essayant à voler, malhabile et têtu
Qui, gênant la ruée, se fit marcher dessus…
La buse, tout enchantée d’être ainsi à la fête
Fondit à cette proie, cul par-dessus sa tête,
Fit voler tant de plumes qu’on eût pu faire couette,
Décidée à goûter la chair jusqu’au squelette.
Mais la buse est ainsi, qu’elle semble réclamer
L’hommage d’un public avant de consommer.
Ainsi fit celle-ci, Horus, torse bombé,
Rêvant que sa victoire fût immortalisée !
Il n’en fallut pas plus au piteux volatile
Retrouvant un soupçon d’une audace subtile
Pour profiter soudain de la morgue futile
Et se carapater loin de la serre hostile !
Comment il réussit, claudiquant des ergots
A s'enfuir au retour du grand rapace idiot ?
La chance, sans doute, qui fait que cet oiseau
Si léger dans les airs, au sol, n’est qu’un lourdaud.
Lors, l’évadé parvint à l’abri convoité
Au sein d’une broussaille touffue dont l’accès
S’il permettait encore le passage du poulet
Laissait dehors, rageur, le chasseur dépouillé.
Immobile et tapie, la volaille attendit
Que la buse, lassée, ravalât son dépit.
Comme hier, le renard qu’une cigogne avait pris,
Elle dut , sans croquer, retourner à son nid !
L’histoire,ainsi troussée, pouvait s’arrêter là !
Le héros déplumé, survivant du combat,
Fêté par sa tribu s’en revenant des bois
Rebouffant son plumage au milieu des Hourras.
Boitillant, aile tombante et crête arrachée
La piètre créature fut bientôt entourée
D’un cercle silencieux de pilons alignés
Dont s’éleva, soudain, un murmure indigné !
Un regain de courage , il y a peu, oublié
Hérissa de dédain la nouvelle assemblée !
Un cochet, plus hargneux, s’approcha du blessé
Lança un coup de bec avant de reculer.
La curée qui suivit ne fut que frénésie
De gloussements furieux de justiciers hardis
Déblayant les abords de leur beau paradis D'un déchet dont l’aspect nuisait à l’harmonie.
Ainsi fut-il dit. Faudrait-il que l’on pense
Qu’un tout autre motif motivait la sentence ? :
La bêtise d’une foule et sa vile jouissance
Dans l’opportunité de prouver sa puissance ?
Où se rejouent les scènes d'un tel acabit :
Si l’échine est ployée au tyran qu’on subit
Malheur au diminué qui en brandit le prix !
Encore ne vit-on là, qu’un improbable héros
Victime hasardeuse prise au milieu du lot
Au destin différent de celui du troupeau
Car privé de l'honneur de finir poule au pot.
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Par Fuguerrante le 20 Juillet 2012 à 12:27
La guêpe et l'abeille
Au tout premier rayon d’un soleil balbutiant
Une abeille zélée taquinait le printemps
Le thym, le serpolet, la blanche marjolaine
Tout lui était douceur, rien ne lui faisait peine.Mais s’approche, en vibrant une guêpe curieuse :
« Cousine, je vous prie, en bête laborieuse
Aux questions que je dis, si vous voulez me plaire
Donnez m'en votre avis, j'ai besoin de lumières :En voyant dans nos traits si peu de différence
Dites-moi pourquoi l’homme a choisi d’évidence,
Même s'il est coutumier de peu de clairvoyance,
De vous faire l’octroi d’une telle préférence ?
Mes couleurs émerveillent
Mon noir est rehaussé d'un jaune qui l'ensoleille,
Et pour être précis, votre habit
Qui peluche est beaucoup moins joli
Comme vous, fruits et fleurs
Me comblent de bonheur.Je pique, c’est certain, mais vous piquez aussi
Si vous fuyez l’humain, moi je le divertis
Je sillonne en tous sens cuisines et salons,
Du privé aux communs, j’investis tous les lieux.
Je charme les oreilles au son de mon bourdon,
Et malgré tout cela, on vous aime bien mieux.On me chasse, on me hait, on m’assassine enfin!
Tandis qu’on vous cajole et vous bâtit maison
Où pendant le grand froid, la cruelle saison
On dispense tiédeur à vos rêves sereins. »A l’envieux discours qui, enfin, fit relâche
L’abeille répondit , ne rompant pas sa tâche :
« Ma couleur et mon chant pour vous ont moins d’attraits,
Ils esquissent dans l’air un chemin bien discret,
Mon aiguillon ne sert que d’ultime rempart :
Son usage me cause une fatale blessure
Si je blesse, je meurs en me servant d’un dard
Qui n’est qu'ultime armure.
Au langage entêtant sans grande profondeur,
Je préfère de loin le langage des fleurs.
Si l’homme, plus qu’à vous, me rend un tel hommage
Et m’offre le confort, qui parfait mon ouvrage,
C’est que j’importune moins en servant davantage
Et de l’échange utile on fait naître partage.
Vous pourriez, ma cousine et n’y point voir ombrage
Butiner la leçon, en goûter le message.
Ni le bruit, ni l'éclat ne sont droits de péage
Au calme des prairies qui voient grandir les sages".
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Par Fuguerrante le 13 Mai 2012 à 21:51
Ou la con-plainte des amants maux-dits
Couplet lyrique :
Un lion généreux et une musaraigne,
En un étrange lieu, une contrée lointaine,
Perdus en leur pensée, au détour d’un chemin
Verdoyant d’herbe douce étoilée de jasmin,
Truffe contre truffe se trouvèrent collés.
Un moment stupéfaits, un moment effrayés,
Ils finirent tous deux par en être charmés.
Et de cette magie, naquit grande Amitié :
La petite était vive et il était gentil,
Une même lumière éclairait leur esprit.
Ils se parlaient de tout, se comprenaient d’emblée
Quand l’un pensait un mot, l’autre l’avait trouvé.
De cette connivence, cette complicité
S’exhalait chaque jour la seule vérité.
L’on vit en rire ensemble et chanter de concert
Deux sources cascadant vers la même rivière.
Leur temps était précieux autant qu'il était rare
Ils se devaient chacun à un monde barbare
Qui réclamait sans cesse de nouveaux égards.
Bravant les inédits pour vivre le miracle
Ils volèrent pourtant , ignorant les obstacles,
Au noir d'un ciel obscur des diamants d'éphèmère
Pour insuffler l'envie au tain de l'ordinaire
Et leur vie, en ces lieux, ne fut qu'escale pure,
Au fleuve éclaboussé d'étincelles divines
Tels les éclats de gloire au phare qui rassure,
Révérence d'étoile quand la vague s'incline.
Couplet tragique :
Mais leurs geôliers tenaient à leurs victimes :
On leur appartenait, on était unanime
Chacun à son seigneur devait payer sa dîme
Et on interdisait les échappées sublimes.
Et le Lion frémissait de l’incompréhension
La musaraigne aussi tremblait sa frustration
Les maitres égoïstes n’offraient que leur giron
En refoulant tout net les désirs d’évasion.
Les deux amants pourtant n’exigeaient qu’un soupir
Respiration vitale en dehors de l’empire
Pour y survivre mieux, pour mieux y revenir
Juste un peu de meilleur pour supporter le pire,
A l’autre bouche enfin simplement se nourrir
Pour garder la raison, ne vouloir plus mourir.
Mais l’espoir insensé simplement réclamé
Jamais malgré les larmes ne leur fut accordé
Et l’on vit s’étioler, de se voir séparées
Deux âmes déchirées, au devoir crucifiées.
Car le désert jaloux de sa propriété
Tarit sa seule source en voulant la garder.
Ils étaient des gentils au milieu de méchants
Des enfants maltraités par d'horribles parents...
Epilogue :
C'est du moins ainsi que les deux se voyaient
Victimes innocentes d'un odieux martyre.
Leur amitié maudite comme il la sublimait
Le romantisme aidant, ils oubliaient d'en rire !
Qui céda le premier au joug de l'ordinaire?
L'ordinaire serait d'en exiger le compte
Ils frolèrent pourtant la rancoeur usurière
Avant de refuser le salaire de la honte.
Il resta au désert un palais sur du sable
Quand survint sans hasard la fin des certitudes
Il se dirent au revoir en restant honorables
Reléguant l'exception au rang de l'habitude.
Ce n'était rien qu'un Lion et une Musaraigne
Qui s'étaient crus héros d'une histoire inédite
Mais déclinèrent le don de la Mort Magicienne
Unique enlumineuse des amours maudites !
Essai de morale
Et puis franchement, une Musaraigne et un Lion?
Qu'eut-on fait des marmots issus de cette union ?
La morale imposée absout les abandons
Ne grave les regrets qu'aux tombes d'illusions.
P.S. ... :
Celle-là, sans rire, elle doit avoir vingt fins différentes! Un ami parlerait de "géométrie variable"... Allez! une version parmi d'autres qui a l'avantage de ne plus se prendre trop au sérieux!
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Par Fuguerrante le 9 Août 2011 à 14:29
Le Papillon et le Reptile
Un jeune papillon, aérien et gracile
Aux nuances nacrées, aux volutes subtiles
Ayant de la prairie épuisé les aubaines
S’en vint et d’un jardin caressa les pollens.
Avide d'en goûter les fragrances légères
De lamper ça et là des sucres parfumés,
Aux pétales odorants d’une rose trémière,
L’insecte aux ailes d’or, heureux vint se poser.
Mais d’un buisson voisin, griffu et rabougri
Une voix chuinta , comme du fond d’un puits :
« A quoi pensait Jupin, lorsque sa main féconde
Créa les papillons si chétifs et si vains
Qui voltigent dans les airs et pillent les jardins ?
De quelle utilité, cette race est-elle au monde ?
Et qu’est donc ce pouvoir, cet impudent bonheur
De promener ainsi, futile, de fleur en fleur,
Un ballet importun en volant au grand jour ? »
Après le papillon, des oiseaux vint le tour.
Du noir de son réduit, la bête scélérate
A chaque être volant donnait un coup de patte.
Le papillon curieux d’une telle pestilence
Observa ce buisson qui distillait le fiel
D’une censure haineuse, acide violence
Et aperçut enfin un animal sans ailes :
Créature rampante dans un triste repaire
Se cachant aux épines et crachant au destin,
Pitoyable reptile, mi-scorpion, mi-vipère
Trempant au jus insane de son propre venin.
Le papillon léger regarda le serpent
Et de le voir ainsi se sentit plus vivant
« Votre hargne ne voile qu’ amère vérité :
Il arrive qu’on m’aime et qu’on me laisse aimer,
Et je vole pour le dire en toute liberté.
Ces ailes que par dépit vous aimeriez salir
Sont tout ce qui vous manque et nourrit vos délires.
Vous êtes sale et seul et ne pouvez voler.
Je vous laisse, serpent, à cette frustration :
Plus on mérite mépris, plus on en fait le don »
Faites-en donc l’usage miséricordieux
Qui vous offre survie dans le déni des dieux.
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