-
Le Papillon et le Reptile
Le Papillon et le Reptile
Un jeune papillon, aérien et gracile
Aux nuances nacrées, aux volutes subtiles
Ayant de la prairie épuisé les aubaines
S’en vint et d’un jardin caressa les pollens.
Avide d'en goûter les fragrances légères
De lamper ça et là des sucres parfumés,
Aux pétales odorants d’une rose trémière,
L’insecte aux ailes d’or, heureux vint se poser.
Mais d’un buisson voisin, griffu et rabougri
Une voix chuinta , comme du fond d’un puits :
« A quoi pensait Jupin, lorsque sa main féconde
Créa les papillons si chétifs et si vains
Qui voltigent dans les airs et pillent les jardins ?
De quelle utilité, cette race est-elle au monde ?
Et qu’est donc ce pouvoir, cet impudent bonheur
De promener ainsi, futile, de fleur en fleur,
Un ballet importun en volant au grand jour ? »
Après le papillon, des oiseaux vint le tour.
Du noir de son réduit, la bête scélérate
A chaque être volant donnait un coup de patte.
Le papillon curieux d’une telle pestilence
Observa ce buisson qui distillait le fiel
D’une censure haineuse, acide violence
Et aperçut enfin un animal sans ailes :
Créature rampante dans un triste repaire
Se cachant aux épines et crachant au destin,
Pitoyable reptile, mi-scorpion, mi-vipère
Trempant au jus insane de son propre venin.
Le papillon léger regarda le serpent
Et de le voir ainsi se sentit plus vivant
« Votre hargne ne voile qu’ amère vérité :
Il arrive qu’on m’aime et qu’on me laisse aimer,
Et je vole pour le dire en toute liberté.
Ces ailes que par dépit vous aimeriez salir
Sont tout ce qui vous manque et nourrit vos délires.
Vous êtes sale et seul et ne pouvez voler.
Je vous laisse, serpent, à cette frustration :
Plus on mérite mépris, plus on en fait le don »
Faites-en donc l’usage miséricordieux
Qui vous offre survie dans le déni des dieux.
Tags : papillon, d’un, reptile, vint, ailes
-
Commentaires